Auteur : Pierre Abuli

Cette suite d’articles aborde tous les aspects de la production d’un retable au XV°siècle. Je vous propose un voyage, qui vous permettra de revivre les différentes étapes qui ont présidé à la réalisation de ces merveilleuses peintures votives centrées essentiellement sur le culte des Saints, depuis la commande jusqu’à sa livraison.

  La fabrication d’un retable est un sujet rarement abordé. C’est grâce à l’observation minutieuse de la peinture, de la dorure et de la structure de ces grands ensemble qu’on peut se faire une idée des savoirs faires de cette époque. Cette suite d’articles se propose de faire le tour de tous ces savoirs.

Le retable est une construction verticale qui se trouve derrière et au dessus de l’autel, elle peut être sculpté où peinte, à Palau les deux retables gothiques sont à la fois peint et sculptés, sculptures en bas relief, ces deux exemplaires sont uniques en Roussillon alors que l’on sait qu’un grand nombre de ces retables mixtes furent construit à cette époque.

Cet article tend à prouver que même si ces deux retables provenaient de deux ateliers différent, ils avaient toutefois bénéficiés de la participation des  mêmes artistes peintres sculpteurs et doreurs. Par contre il y avait deux maîtres différents et deux ateliers, l’un pouvant être la reprise de l’autre. Le maître du st Jean et Arnau Gassies sont deux peintres bien différent et c’est en observant le pinacle de chacun de ces retables qu’on note des divergences remarquables: une précision naturaliste de type flamand et la modernité de la perspective pour le premier1461, La subtilité des antiques savoir et la grâce pour le segond1454.

 

 

 

 

 

 

 

Le commanditaire du retable de st Michel, st Hyppolite nous est bien connu puisque nous avons le contrat de fabrication du retable. Par contre nous n’avons pas le contrat du st Jean, aussi nous avons eu recours à l’observation pour essayer de savoir qui cela aurait il bien pu être. Dans la prédelle du Saint Jean, au deux extrême deux saint patrons efficaces conte les maladies, mais surtout, Une paire de saints chirurgien dont l’attribut principal est l’urinal, l’objet de verre par excellence qui permet grâce à sa transparence d’observer les urines. Et sur le coté droit, st Blaise, dont l’attribut est un peigne, celui qui a servi pour son martyre, mais surtout les cardeusr ce le sont vite appropriés et saint blaise est devenu par extension le protecteur de tous les drapiers, qui était de loin le commerce le plus important à cette époque en Roussillon. Donc nous avons un commanditaire soucieux de ses intérêts économiques. Le verre et les draps, alors pourquoi pas le seigneur d’en Vives qu’on a vu qualifier de maître des fours de Palau

Le travail du bois et toutes les techniques qui assurent sa solidité au support sont essentielles , c’est elles qui font qu’un retable est capable de résister au passage du temps. Une bonne préparation assurera la stabilité de la couche picturale, évitera qu’elle ne craque prématurément. Six siècles ont passés depuis lors, qu’en sera t’il dans 10, 12 …siècles, un vertige d’années qui nous l’espérons ne leur sera pas fatal. Aujourd’hui, ils sont toujours là régalons nous de leur présence et soyons humble devant la technique de ses artisans qui on sut préparer ces magnifiques supports, menuisiers, huchiers qui eux aussi sont des artistes.

Composé de plusieurs panneaux le retable était facilement démontable et transportable. Les ateliers étaient souvent éloignés du lieu de la commande, aussi il était important que des structures aussi lourdes soient facilement transportables sans dommage, sur des routes de campagnes difficiles avec des moyens de transports lent. Suivant le contrat le transport pouvait être à la charge du commanditaire ou du peintre, voire du menuisier chargé de remonter la structure in situe.

Un spécialiste des stucs modèle les fonds de certaines scènes qui seront dorés, pour cela il utilise  le ‘gessso’: cet amalgame de plâtre, de marbre blanc et de colle animale qui prépare le fond et sur lequel on appliquera la couche picturale. Pour créer un relief de stuc, Le gesso est mit en paquets de pâtes fraiches qui sont façonnés à la main, le plus souvent à l’aide d’emportes pièces affin de réaliser des décors végétaux qui seront par la suite dorés. Fonds dorés qui sont la couleur naturelle des saints et qui symbolisent la lumière céleste.

Les moulures quant à elles sont réalisées par le menuisier, chaque scène se retrouve séparée des autre par une sorte de cadre commun. La façon dont ces moulures sont sculptées, arcatures lobées ou moulures droites présentant plusieurs facettes est caractéristique du style gothique, style qui déborda la période gothique à proprement dite. Ce style fut aussi repris bien plus tard, nombreux sont les édifices du XVIII° et XIX°qui ont emprunté ce style pour le décor de leur façade, notamment aux USA.

Les retables faits de panneaux peints et dont le saint auquel il est dédié est représenté sous forme de bas relief sont plutôt rares. Pour cela il fallait qu’un peintre s’associe à un sculpteur. Les actes notariés relatifs à la fabrication de ce genre de retable, nous indiquent que dans le courant du XV° siècle plusieurs retables furent élaborés suivant ce principe. Mais cela reste difficile à déterminer avec certitude à cause des termes utilisés trop généralistes. Toujours est-il que ces deux retables sont uniques dans leur genre pour cette période en Roussillon.

Posé sur le fond constitué de  plusieurs couches de gesso finement polies, d’un blanc éclatant, cet cette surface d’apprêt bien lisse  qui assurera la bonne tenue et la luminosité des couleurs. Elle recevra aussi le dessin préparatoire réalisé au fusain, qui par endroit transparait accidentellement parfois  et intentionnellement lorsqu’il modèle ou ombre une figure.

Pour le ponçage des retables:   La prêle des peintres du gothique, encore utilisée à ce jour pour poncer certains instruments de musique.

En examinant attentivement nos retables transparaît par endroit, et ce pour plusieurs raisons le dessin sous-jacent. Il prépare et organise la composition et participe le plus souvent comme technique d’ombrage pour une mise en relief de l’mage. Accidentellement il peut aussi réapparaître lorsque la couche picturale est usée, et parfois en cas de restauration, les raison peuvent être multiples et difficiles à déterminer. Il ne faut pas oublier qu’au gothique on mélangeait rarement les couleurs pour obtenir des nuances où des variation susceptibles de donner du volume, On se contentait d’éclaircir ou d’obscurcir les tons.

Les dorures, en six panneaux explicatifs et commentés: Elles couvrent une partie importante de ces deux retables, leur présence atteste que les commanditaires ont engagés d’importantes sommes d’argent pour la fabrication de ces retable. En les regardant tous peuvent constater l’ampleur du sacrifice financier concédé par chacun des commanditaires et en déduire à la fois leur fortune ou leur puissance et aussi la grandeur ou la valeur de cet acte de dévotion très particulier, d’où chacun compte tirer divers profits. Riches sur cette terre ils investissent dans l’au- delà, ces retables pouvaient se voir comme un placement à long terme, mais aussi à court terme, car on y multipliait les saint efficaces contre des maladies bien terrestres, ainsi que les saints patrons professionnels sensés favoriser l’activité du commanditaire. Ce qui nous permet de mieux comprendre l’abondance de cet or qu’on étale et offre aux puissances divines qui y sont honorées. Evidement le contrat de fabrication du retable quantifie très précisément les quantités d’or utilisées ainsi que la qualité des peintures.

Avec les délais de livraisons qui ne sont pas toujours respectés, nous avons là, la majorité des causes qui sont à la source des nombreux litiges que devront juger les experts ainsi que les tribunaux.

Le savoir faire des peintres:Partie essentielle de la fabrication du retable, le savoir faire des peintres est garant de la renommée de l’atelier. Plusieurs peintres travaillent sous la direction du maître d’atelier, qui est le signataire du contrat de fabrication. Au XV° siècle, les peintres ne sont pas encore considérés comme des artistes, mais comme de simples artisans, et traités comme tels. Les contrats de fabrication des retables de cette époque nous renseignent sur les préoccupations du commanditaire qui, au- delà des images représentées, insistent sur la qualité des pigments utilisés. Le terme de couleurs fines est employé, l’or et les dorures sont, à cause de leur valeur, soigneusement quantifiés. On achète alors une qualité de matière peinte pour une surface déterminée, et l’art du peintre est jugé à la fin de l’exécution du contrat par ses pairs. Il est considéré comme un technicien, plus copiste qu’artiste. Mais si les ateliers se copient, ils sont aussi avides d’innovations. Les peintres de cette époque, pour attirer les commanditaires, osent des représentations qui se veulent de plus en plus réalistes. Déjà la grâce transparaît, et de magnifiques petites inventions apparaissent. La perspective dans la représentation devient plus précise. Le statut est en passe de changer.

Deux sciences; Le savoir faire des drapés, pour le retable de 1454 d’Arnaud Gassies, on remarque des drapés d’une élégance exceptionnelle pour le lieu et l’époque, savoir faire proche de Van Eyck qui inspira ce peintre catalan lors d’un séjour à Barcelone.

Pour le second retable, de 1461 et d’un maître qui ne nous est pas connu, une perspective assez bien comprise qui donne du réalisme à toutes les représentations.

c’est  l’élégance des poses et des visages qui caractérise la peinture  d’Arnau Gassies. Plus artiste que ne le sera son successeur, il se préoccupe moins de la perspective, souvent dans un même lieu se développe l’histoire, on peut y voir plusieurs actions en même temps, ou plusieurs fois les mêmes personnage. Ce type de représentation tient plus compte du discours que de la concordance des temps, certains personnage flottent dans un espace relativement indéterminé.

Huit ans plus tard les préoccupations sont toutes autres, du moins dans l’atelier du maître du saint Jean, qu’on pourrait qualifier  de maître de Palau, puisque nous n’avons pas d’autre références sur sa peinture.  Toutes les scènes sont en perspectives, intérieurs, extérieur, le peintre multiplie les salles et les bâtiments, un immense pavement en perspective se trouve dans le compartiment central au pied du st Jean. On approche de la renaissance à grand pas, souci constant du détail, les plantes semblent peintes par un botaniste, les lointains sont finement dessinés. Perspective plus naturalisme renforcent le réalisme de la représentation. On ne peut que regretter la monotonie des visages.

Comme la plupart des retables de cette époque, les sources écrites de la représentation proviennent de la légende dorée de Jacques de Voragine: la vie et les aventures des saints y sont décrites de manière merveilleuse et le plus souvent exagérée. Mais aussi elles proviennent parfois d’écrits locaux moins connus, comme c’est le cas dans le miracle de la confession.

On remarquera dans la façon de représenter les scènes les plus célèbres, un certain mimétisme. Les peintres de l’époque n’hésitent pas à se copier. Il ne faut pas oublier qu’ils n’ont pas le statut d’artistes, ils sont considérés comme d’habiles artisans, ils peuvent donc se permettre un certain nombre de libertés et n’hésitent pas à se copier.

C’est avant tout un acte de conservation: c’est elle qui permettra aux générations futures de connaître notre passé. Toujours en pleine mutation, cette science utilise les dernières trouvailles technologiques en matière d’investigation. Ces grands malades  que sont nos retables passent des heures dans nos hôpitaux: radios, des scanners, ils sont examinés au microscope électronique et comme nous ils reçoivent un diagnostic avant tout traitement. Evidemment tout ceci coute de l’argent, seul les cas les plus critiques ont droit à ce traitement de faveur, et bien sur certaines célébrités ont la préférence, comme partout ailleurs.